Rapports sociaux
Le lien mère-petit
La mère allaite ses petits jusqu’à ce qu’ils aient un an en moyenne (ou deux) et en général jusqu’au petit suivant. L’intervalle entre deux grossesses chez les orques est de 2 à 12 ans, en moyenne 5 ans et 3 mois. Les cas de gémellité sont rares mais ont déjà été observés (fréquence des gémellités: 1,5 %)

Les soins apportés au jeune le sont non seulement par sa mère mais aussi par les autres membres du groupe, mâle compris.

Une primipare sera toujours secondée par une femelle ayant plus d’expérience.
Ainsi, en captivité, pour un meilleur succès à la reproduction deux femelles sont en général nécessaires : la mère et la « marraine »(cf. Sharkane et Freya).

Tout commence lors de la mise-bas : sitôt expulsé le jeune est ramené à la surface par sa mère pour qu’il prenne sa première respiration. Elle le soutient ainsi les premières minutes de sa vie. La « marraine » peut aussi intervenir pour l’aider.

Pour téter, le jeune nage le long de sa mère et par attouchements brefs stimule les mamelles de sa mère. Il possède des moustaches (qui persistent quelques semaines) sur le rostre, moustaches qui l’aident à repérer les mamelles de sa mère.
La mère éjecte le lait dans la bouche du jeune : ce dernier roule sa langue et plaque l’extrémité du « tube » ainsi formé contre la mamelle.
L’allaitement a lieu plusieurs fois par heure, toute la journée (la tétée dure en moyenne 5 à 10 secondes à chaque fois).

La plupart des enseignements donnés aux jeunes concernent les techniques de chasse, notamment l’échouage : l’animal s’échoue volontairement puis revient à l’eau en profitant du reflux. Ce phénomène est observé pendant la chasse et le jeu (Guinet, 1989).

Lorsque les juvéniles pratiquent l’échouage pendant le jeu, ils sont toujours accompagnés d’un adulte, le plus souvent une femelle (cf. Inouk et Sharkane).
L’adulte se place entre la berge et le juvénile afin, semble-t-il, de pouvoir contrôler le retour à l’eau. Il arrive que l’adulte capture une proie alors que le juvénile est bredouille ; ce dernier accepte alors la proie vivante que lui jette son aîné.

Souvent un mâle adulte est présent avec sa tête pointée dans la direction du jeune échoué et parfois même vient s’échouer à ses côtés puis, sans capturer de proie, retourne à son poste d’observation.
Le jeune recommence alors son échouage.
On peut y voir un apprentissage de la chasse (Lopez et al., 1985).
Egalement le fait que les proies ne soient pas entièrement consommées semble être une preuve de l’apprentissage de la chasse (Jefferson et al., 1991 ; Lopez et al., 1985), tout comme le fait de jouer avec des proies mortes ou assommées (Williams et al., 1990).
Au cours de la chasse, les jeunes sont tenus à l’écart par des mâles le plus souvent, semble-t-il afin de leur éviter toute blessure (Guinet, 1991). Cela fait aussi partie de l’éducation.

Le lien intime entre une femelle et sa descendance persiste pour des périodes de temps très longues, peut être même pendant toute sa vie.
Les rapports de dominance
Les rapports de dominance / subordination entre membres d’un groupe d’orques sont difficiles à mettre en évidence en milieu naturel.
Ces rapports peuvent se traduire sous l’eau par des réactions agressives qui échappent ainsi à l’observation.
Les observations effectuées en captivité (ex. à Marineland) permettent de penser qu’une hiérarchie s’établit rapidement entre les orques présentes dans un même bassin.

C’est une femelle (ici Freya) qui occupe la position dominante. Les agressions sont rares mais certains combats entraînent la mort de l’une des deux femelles qui s’affrontent (cf Sea World).

Une fois établis, les rapports de dominance semblent être maintenus par un ensemble subtil d’attitudes (leur signification exacte n’est pas encore déchiffrée).

Ainsi, en milieu naturel les combats sont extrêmement rares du fait du maintien de la stabilité sociale par la menace, les postures d’intimidation, les « fausses morsures »
L’entraide
Lorsqu’un individu est en difficulté:
Si un individu s’est échoué trop loin, les autres individus du groupe restent à proximité et maintiennent un contact acoustique avec lui.
Lors de l’éducation et de la prise en charge des jeunes:
La vie des femelles adultes se partage en deux phases : une phase de reproduction et une phase de post reproduction exceptionnellement longue pour un mammifère.
Lors de la chasse :
alors en véritables « groupes de chasse », maximisant ainsi le rendement de la chasse par la coopération et la coordination des mouvements des membres du groupe.
La recherche de nourriture
Elle se caractérise par un « groupe en formation lâche, ne se déplaçant pas selon une direction nette, sans coordination, chaque individu de façon sporadique va fureter de son côté ; il semble que ce comportement soit lié à une répartition non uniforme des proies (Osborne, 1986).

La coordination des mouvements au sein du groupe semble s’exercer grâce à la production de signaux acoustiques très subtils tels que les clics et les cris, contacts de proximité.

La localisation de proies telles que les éléphants de mer, les manchots royaux s’effectue par écoute passive (écoute de l’éléphant de mer qui plonge dans l’eau, écoute du manchot qui revient du large en marsouinant...).
Les orques utilisent une image de recherche acoustique plutôt que visuelle.
L’attaque de la proie
La technique d’attaque varie selon le groupe d’orques, mais surtout selon la proie chassée.
Lorsque les orques chassent la baleine, ils forment des groupes de 3 à 40 (Silber et al., 1990), prenant soin d’en écarter, par sécurité, les jeunes (Jefferson et al., 1991) . Première phase : isoler la victime ; c’est souvent le rôle des orques mâles. Ensuite (Florez-Gonzalez et al., 1994) (exemple de la chasse de la baleine à bosse) les femelles harassent le jeune mégaptère au préalable séparé de sa mère. Puis, se saisissant des nageoires, elles se placent sur l’évent ou le dos de leur victime pour l’empêcher de respirer et mordent la gorge de l’animal évitant ainsi qu’il ne s’enfonce dans l’eau.

Ainsi, dans la chasse aux Pinnipèdes, l’entraide augmente également grandement l’efficacité de la chasse : en particulier dans la chasse aux phoques qui se réfugient sur les blocs de banquise dérivants. Après avoir repéré leurs proies, les orques s’éloignent un peu des blocs, font demi tour et reviennent vers le bloc à très grande vitesse. A environ 10 m elles plongent toutes en même temps, créant ainsi une énorme vague qui soulève la glace et ... fait tomber le malheureux phoque.

Concernant la chasse des éléphants de mer, les orques établissent des patrouilles de routine. Il semble même y avoir un partage inter-individuel des zones prospectées.
Cette disposition préétablie des membres du groupe dans une baie augmente probablement les chances de rencontre avec des éléphants de mer, tout en permettant une restriction de la communication entre les membres du groupe.

Chaque individu connaît ainsi la position généralement occupée par les autres.
La capture d’une proie de taille importante s’accompagne généralement de la production de cris de contact entendus sur de longues distances par l’orque qui a effectué la capture. L’émission de tels signaux acoustiques provoque l’arrivée rapide des orques qui captent ce signal. La proie est quelquefois dépecée (cf. manchots, Guinet, 1992) par deux orques, chacune tirant de son côté.

La technique dite du « carrousel », utilisée par les orques de Norvège chassant le hareng, est aussi un bel exemple de chasse fondée sur l’entraide: l’idée est de rassembler les harengs en une masse compacte près de la surface. Pour ce faire, les orques nagent en contournant le banc de harengs, présentant leur abdomen blanc aux poissons.

Les orques émettent de nombreux cris, expirent sous l’eau laissant échapper des chapelets de bulles d’air et frappent la surface avec leur queue. Elles maintiennent le banc ainsi formé à la surface et chacune des orques, à son tour, assomme les harengs à coups de nageoire caudale puis se nourrit des proies assommées pendant que le reste du groupe maintient le banc en formation serrée.